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Jo Spiegel : « La démocratie de construction réenchante la démocratie représentative »

Publié le 6 février 2021
Temps de lecture : 3 min
Jo Spiegel
© OnPasseAlActe
Jo Spiegel participera aux 6e Rencontres du dialogue citoyen.

Maire de Kingersheim entre 1989 et 2020, Jo Spiegel a fait de cette commune alsacienne un laboratoire de la « démocratie de construction », en mettant en place des conseils participatifs pour chaque grande décision à prendre. Ce samedi 6 février, il animera une conférence au Pavillon République dans le cadre des 6e Rencontres du dialogue citoyen.

Qu’est-ce qui vous a amené à opérer une « transition démocratique » à Kingersheim ?

Mon regard a changé progressivement au cours de mon premier mandat. Il y a d’abord eu un événement personnel qui m’a mis dans une situation plus fragile, m’a rendu plus perméable et m’a permis d’avoir un autre regard sur le partage du pouvoir. Je pense aujourd’hui que personne ne peut faire l’économie d’une réflexion sur le sens de l’engagement. Suis-je dans le service ou dans l’ego ? C’est la question fondatrice. J’ai ensuite pris du recul sur mes pratiques. Les réunions publiques que nous organisions me sont apparues comme des face à face stériles, avec d’un côté un élu fournisseur, voire magicien, et de l’autre des habitants consommateurs. Ces moments n’avaient pas d’impact sur la vie quotidienne ou l’espace public. Enfin, il y a eu une prise de conscience de la crise démocratique, du fossé qui était en train de se creuser entre représentants et représentés.  A mon sens, la démocratie électorale ne peut plus être la seule source de légitimité d’une décision. Il faut une démocratie continue, qui s’exprime entre deux élections et qui permet d’associer les citoyens au processus de décision. C’est la « démocratie de construction ».

Quels outils utilisez-vous pour la mettre en œuvre ? 

Nous avons d’abord dédié un lieu à la délibération et à la co-construction : la Maison de la citoyenneté. Ensuite, pour chaque projet, comme la création d'un éco-quartier ou la révision du Plan Local d'Urbanisme, nous ouvrons une séquence démocratique, avec un début et une fin, qui doit être décisive et pour laquelle est mis en place un conseil participatif. L’originalité c’est l’hybridation des ressources puisque chaque conseil participatif associe toujours quatre collèges qui représentent la France en miniature : un collège d’habitants, tirés au sort et volontaires, un collège d’élus majoritaires et minoritaires, un collège d’experts internes et externes à la mairie et un collège représentant les organisations (entreprises, associations, syndicats…). Plus la composition est plurielle, plus on est en capacité de co-construire des compromis dynamiques. 

Le rôle de l'élu demeure fondamental

Est-ce que cela ne dévalorise pas le rôle de l’élu ?

Au contraire ! Jamais le rôle de l’élu n’a été aussi important. Il est l’animateur du processus de décision et l’activateur du potentiel citoyen des habitants. Il est également là pour préciser le périmètre démocratique : qu’est-ce qui est négociable et qu’est ce qui ne l’est pas ? Il peut s’agir de valeurs, d’un budget ou d’une juridiction à ne pas dépasser. C’est fondamental pour la réussite du conseil participatif. Au fond, la démocratie de construction redonne du sens à la démocratie représentative, la réenchante : la légitimité de l’élu n’est plus seulement liée au fait qu’il a été élu, mais aussi au fait qu’il a su procéder au partage du processus de décision. 

Quelles sont les autres conditions de réussite d’une telle démarche ?

Il est important de n’oublier personne au festin démocratique, d’y inviter toutes les personnes concernées. Ainsi on créé un état d’esprit dans lequel celles et ceux qui ne veulent/peuvent pas être parties prenantes, savent qu’ils seront représentés par des citoyens. Cela crée la confiance. Par ailleurs, au début de chaque séquence, un temps de formation me paraît essentiel pour que chacun ait le même sens des mots et le même niveau de compréhension des enjeux.

La conférence participative du 6 février 2021 : Renouveau de la démocratie participative ? Quel sens lui donner ?