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Bilan : la mixité sociale dans les collèges

Publié le 6 octobre 2021
Temps de lecture : 9 min
Bilan mixité sociale
© Aurélien Ferreira / CD31
"Aujourd’hui, on ne peut plus accepter que l’école de la République soit discriminante" Etienne Butzbach

Après quatre ans de mise en oeuvre de la mixité sociale dans les collèges, le Département et l'Académie de Toulouse dressent un premier bilan satisfaisant : le dispositif est une réussite ! Afin de présenter au mieux ces données, une conférence de presse a eu lieu à l'hôtel du Département le mercredi 6 octobre 2021. Compte-rendu.

Une expérimentation unique en France

Le Conseil départemental de la Haute-Garonne a décidé de relever le défi de la mixité sociale afin de lutter contre les logiques du déterminisme social et territorial. En janvier 2017, la collectivité a adopté un plan ambitieux visant à améliorer l’équilibre social dans les 118 collèges publics et privés haut-garonnais. Il s’agit d’un programme d’une ampleur unique en France, de par son budget (56 M€), le nombre d’élèves concernés et de partenaires parties prenantes. 

Le plan d’amélioration de la mixité sociale dans les collèges a véritablement été co-construit avec l’ensemble des acteurs concernés. La concertation citoyenne lancée par le Conseil départemental en 2016 a réuni sur 6 mois plus de 1 000 personnes – habitants, parents d’élèves, syndicats, élus, enseignants, principaux, directeurs d’école, associations – qui ont participé à plus de 130 réunions.
Plus d'infos en cliquant sur le service ci-contre.

Faire vivre cette mixité sociale, renforcer le vivre-ensemble et garantir la cohésion sociale, c’est favoriser l’épanouissement de chaque collégien. 

Georges Méric, président du Conseil départemental de la Haute-Garonne

L’expérimentation depuis 4 ans du programme d’amélioration de la mixité sociale des collèges en Haute-Garonne témoigne d’une démarche ambitieuse de la part du Conseil départemental.

Mathieu Sieye, directeur académique des services départementaux de l'Éducation nationale

La politique de mixité sociale menée par le département de la Haute Garonne se singularise sur plusieurs points : son ampleur, son inscription sur le long terme, la multidimentionnalité du projet, le partenariat soutenu avec l’Éducation nationale, et le dialogue citoyen constant avec les acteurs. 

Étienne Butzbach, coordinateur du Réseau Mixités à l’école du Centre national d’études des systèmes scolaires

Les élèves et les familles accompagnés

Le transport scolaire direct et gratuit

Le Département a mis en place 17 navettes, qui permettent un transport direct et gratuit de ces élèves vers leur collège d’accueil et attribue en plus à chaque élève une carte Tisséo pour un aller-retour quotidien. Un accompagnement dans les bus est assuré par l’association Loisirs Éducation Citoyenneté (LEC), soutenue par le Conseil départemental. Ainsi une vingtaine d’accompagnateurs sont déployés matin et soir dans chaque car pour veiller au bon déroulement des trajets et faire le lien avec les familles et les associations du quartier. En effet, la LEC organise des temps de rencontre avec les familles afin de répondre aux inquiétudes éventuelles, d’expliquer le fonctionnement du transport scolaire et le service d’accompagnement et d’assurer si nécessaire une médiation en cas de tensions (en binôme avec la mission civisme et sécurité du service des transports départemental). Le bilan sur 4 ans ne fait part d’aucun incident majeur signalé par la LEC.

Dans les collèges

À l’intérieur des 11 collèges d’accueil, le Département finance des actions de médiation assurées par l’AFEV (Association de la Fondation Étudiante pour la Ville) durant la pause méridienne, par l’animation d’ateliers thématiques et / ou par des interventions en classe en lien avec les enseignants. Ce sont ainsi 2 résidents en service civique qui interviennent dans chaque collège d’accueil (10 à 15h par semaine, 28 semaines par an), soit 22 résidents au total. 

→ L’ensemble de ces mesures d’accompagnement mises en œuvre par le Département représente un budget annuel de 900 000 €.

Des effectifs maîtrisés

L’Éducation nationale, de son côté, a mis en place dès le début du dispositif une mesure essentielle à la réussite du programme : la limitation des effectifs à 25 élèves  dans chaque classe de 6e des 11 coll èges d’accueil. De plus, les services départementaux de l’Éducation nationale accompagnent les principaux et les enseignants : 6 « maîtres mixité sociale » font le lien entre les écoles primaires du quartier et les collèges d’accueil et des professeurs « référents mixité » sont chargés d’assurer l’accompagnement personnalisé des élèves et l’aide au travail personnel.

La forte adhésion des familles

Depuis le lancement de ce programme, les familles concernées ont très majoritairement respecté leur nouveau secteur d’affectation. À la dernière rentrée scolaire de 2020, les taux de respect de la nouvelle carte scolaire (niveau 6e) ont atteint 75 % (secteur Raymond Badiou) et 78 % (secteur Bellefontaine), contre un taux moyen à Toulouse de 60 %.

Les premiers résultats encourageants

Après quatre ans de mise en œuvre, la première promotion à avoir bénéficié de ce dispositif a passé le Brevet des collèges en juin 2021. Les résultats des 100 premiers élèves issus du quartier de la Reynerie sont nettement supérieurs à ceux de leurs aînés, autrefois scolarisés au collège Badiou :  
→ 63 % des élèves ont obtenu leur Brevet là où la proportion n’était que de 50 % de réussite pour les élèves scolarisés à Badiou (+ 13 points). Pour ceux qui ont réussi l’examen, 54 % ont une moyenne supérieure à 10 (le major a obtenu la moyenne de 18,45).
→ 21 % ont eu entre 10 et 12 là où ils n’étaient que 11 % à Badiou (+ 10 points).
→ 33 % ont eu plus de 12 là où ils n’étaient que 4,6 % à Badiou (+ 28 points). Pour les élèves qui ont échoué, c’est souvent le contrôle continu qui les a pénalisés, puisque le niveau d’exigence et d’excellence des collèges d’accueil est plus important et diffère en fonction des établissements. 

Le passage au lycée

94 % des élèves sont entrés au lycée et seuls 3 % redoublent (les 3 % restants ont choisi d’autres orientations) :
→ 52 % des élèves ont choisi d’entrer en seconde générale
→ 35 % ont choisi de s’orienter en seconde professionnelle en 1er vœu (et ont été acceptés grâce à leurs bons résultats)
→ Enfin 7 % ont choisi un CAP.

En accord avec l’Académie de Toulouse et la Région Occitanie, les élèves du programme mixité ont le choix entre intégrer le lycée de leur lieu de résid –ence (Rive Gauche) ou le lycée rattaché au secteur de leur collège d’accueil. 4 élèves sur 5 ont choisi d’entrer au lycée du secteur rattaché au collège d’accueil et 1 sur 5 a choisi d’entrer au lycée Rive Gauche du secteur historique.

L’évaluation d’un tel programme doit prendre en compte des facteurs multiples, et pas seulement les résultats scolaires. Les enjeux sociologiques (l’évolution des comportements et rapports sociaux entre les élèves, l’implication des familles, le travail des équipes pédagogiques…) font l’objet d’une étude menée par une chercheuse universitaire toulou–saine, en doctorat « Sciences de l’éducation et de la formation », engagée par le Conseil départemental sur un contrat de recherche pour une durée de 3 ans. Ce travail de recherche se fonde sur une méthode d’évaluation participative, à laquelle 60 personnes participent (panel représentatif de l’ensemble des parties prenantes : élèves, parents, enseignants, associations de quartier). Le rapport d’évaluation sera rendu en fin d’année 2021. D’ores et déjà, des tendances se dégagent :
• le sentiment d’appartenance aux établissements d’accueil
• le recours aux réseaux d’entraide entre élèves
• l’ autonomie des élèves dans les moyens de déplacement
• l’ouverture culturelle.

Un suivi régulier

  • Un comité de suivi institutionnel qui comprend le Conseil départemental, la Ville de Toulouse, Toulouse Métropole, la Préfecture, des représentants personnels et parents du CDEN (Conseil départemental de l’Éducation nationale), les principaux collèges d’accueil
  • Un comité de suivi des mesures d’accompagne-ment qui comprend les associations partenaires du dispositif, le Conseil départemental, la CAF, les services de l’Éducation nationale, la Ville de Toulouse et la Préfecture.

Septembre 2022 : 2 nouveaux collèges

Le Conseil départemental a fait le choix de construire deux nouveaux établissements dans des secteurs socialement mixtes, afin de permettre un équilibre social dans les futurs effectifs. Ces 2 collèges, entièrement financés par le Département, ouvriront leurs portes en septembre 2022. Ils pourront accueillir 720 élèves chacun.

La carte scolaire des deux nouveaux collèges fera l’objet d’une concertation citoyenne à partir de la semaine du 11 octobre 2021. 5 réunions publiques sont programmées dans les secteurs concernés (Reynerie - Bellefontaine / Saint-Simon - Lardenne /Cugnaux - Tournefeuille / collège Vauquelin). Certains établissements d’accueil du programme mixité seront pleinement intégrés dans la nouvelle sectorisation et continueront ainsi à scolariser des élèves issus des quartiers Reynerie et Bellefontaine. La sectorisation sera adoptée par l’Assemblée départementale en janvier 2022 pour une application en septembre 2022. La définition d’une carte scolaire n’est pas l’unique facteur permettant de favoriser la mixité sociale dans l’établissement. C’est pourquoi l’Éducation nationale travaille à l’attractivité des nouveaux collèges avec des contenus pédagogiques structurants et ambitieux. Elle dotera les établissements en moyens matériels nécessaires et en équipes pédagogiques spécifiques :

  • Le collège Saint-Simon sera orienté vers des contenus pédagogiques autour du « spectacle vivant ». Il représente un budget de 18,6 M€ pour la construction et 6 M€ pour l’achat du terrain auprès de la société Vinci.
  • Le collège Guilhermy sera orienté vers des contenus pédagogiques autour de « l’image ». La réalisation du collège à Guilhermy équivaut à un budget de 18 M€
Collège Guilhermy
© DR
Collège Guilhermy
Collège Saint-Simon
© DR
Collège Saint-Simon

Un dispositif d'incitation financière

Afin d’aller plus loin dans sa démarche pour la mixité sociale dans les collèges, le Conseil départemental a instauré depuis janvier 2019 un dispositif d’incitation financière, inédit en France, à destination des collèges publics et privés de la Haute-Garonne, afin de les encourager à favoriser un équilibre social dans les effectifs. 

Les élus départementaux ont voté en janvier 2018 un dispositif d’incitation financière afin d’offrir aux collèges accueillant un taux important d’élèves issus de familles défavorisées, les moyens de réaliser des projets éducatifs et culturels ambitieux susceptibles de corriger les inégalités et le déterminisme social. A contrario, les collèges qui ne s’engagent pas dans cette démarche de mixité sociale voient une part de cette dotation diminuer.
Cette mesure consiste à moduler une partie de la dotation de fonctionnement attribuée par le Conseil départemental aux collèges pour financer des projets éducatifs, en fonction du taux de mixité sociale des établissements. La part structurelle qui permet le fonctionnement et l’entretien des bâtiments n’est pas concernée.

Ce dispositif incitatif, mis en œuvre en Haute- Garonne pour la première fois en France, s’applique depuis janvier 2019 de manière progressive sur trois années. Ainsi, en 2021, en application de ce dispositif, la part éducative varie entre 22 € et 70 € par élève, pour une moyenne de 54 €. En 2021, 57 collèges ont bénéficié d’un bonus. Afin d’établir un mode de calcul le plus juste possible, le Conseil départemental s’est basé sur le taux moyen de mixité sociale dans les collèges haut-garonnais et prend également en compte la configuration sociologique du secteur d’implantation des collèges. L’objectif étant, qu’à terme, l’équilibre social, dans l’ensemble des 118 collèges publics et privés du département soit en cohérence avec celui constaté sur le territoire de recrutement du collège de secteur.