REPORTAGE

Tragédies ordinaires au collège

Publié le 4 septembre 2023
Temps de lecture : 3 min
Atelier sur le harcèlement scolaire animé par le COLP (Comité de lecture populaire)
© Hélène Ressayres
Atelier sur le harcèlement scolaire animé par le COLP (Comité de lecture populaire)

Au collège de Beauzelle, les comédiens du COLP (Comité de lecture publique) font une lecture théâtralisée d'un texte coup de poing de Yann Verburgh pour parler du harcèlement scolaire avec les adolescents. Un texte cru et réaliste, qui les surprend et délie les langues, lors du débat qui suit avec les comédiens et la professeure principale, à l'initiative de cet atelier. Un dialogue urgent et salutaire. 

« Allez-y, lâchez-vous, insultez ce verre d’eau ». Dans la bouche des 4e du collège de Beauzelle, en classe et devant leur professeure principale, les mots qui fusent en cours de récré ont du mal à sortir. Mais les élèves sont désarçonnés, et donc attentifs, et c’est bien l’effet recherché par les comédiens du COLP (Comité de lecture publique). Pour cet atelier sur le harcèlement scolaire, sous forme de lecture et de déambulation théâtrale, ils ont choisi des extraits d’un texte coup de poing de Yann Verburgh, « H-S Tragédies ordinaires ». Des scènes de harcèlement, de partage de nude (photos dénudées), de conseil de discipline ou de conflit familial, écrites avec un langage cru bien éloigné de ce qu’on propose habituellement aux adolescents sur cette thématique. « Par rapport à mes sermons en vie de classe, leur demande leur professeure, Laura Delher, ça vous parle ? C’est plus vivant ? ». Karim répond spontanément : « C’est plus facile à écouter. Quand les profs en parlent, on se sent visé. Là, c’est réaliste, mais c’est pas notre histoire ».

Après la lecture, le débat

Pas leur histoire, c'est vrai, mais assez universelle pour les faire tous réfléchir. D’ailleurs, certains élèves de la classe ont connu des situations semblables. Les quatre comédiens du COLP en sont conscients, quand ils lancent le débat avec précaution, après la lecture. « Ces questions de réputation, de pression du groupe, ça vous parle ? ». Les garçons entrent dans la discussion. Karim toujours évoque les insultes racistes, mais il les ignore, et ajoute même « entre amis, les insultes, c’est drôle ». La conversation s’engage alors sur le rire automatique qui fuse après une blague facile. Pour conclure que s'il est difficile de s'empêcher de rire, il est possible de s’excuser ensuite pour en amortir l’impact. Face à la maturité de Karim, une comédienne intervient : « Tout le monde ne réagit pas comme ça. C’est normal d’être blessé par des commentaires haineux sur les réseaux. Moi-même, j’y suis sensible ».

Tous vigilants

Les filles se taisent. Jusqu’à ce que les comédiens abordent le sujet de l’apparence. Qui y prête le plus d’attention ? « Les filles sont plus cruelles », murmure Lina. Face au silence qui s’installe, une comédienne relance : « Ça vous bassine qu’on vous parle de harcèlement scolaire ? ». Lina reprend, un peu désabusée : « Ça changera rien, c’est la vie. La violence, elle est inscrite dans la société ». Cette fois, c’est au tour des adultes présents d’être déstabilisés par ce constat d’impuissance, mais ils sont rôdés à l’exercice. Leur professeure leur rappelle que ces ateliers de sensibilisation, au fil de l’année, les ont rendu plus vigilants. Et Nicolas Luboz, du COLP, en profite pour conclure sur ce qu’implique la citoyenneté, à leur âge et plus tard, et sur le poids de nos actes et leurs conséquences : « La vie en collectivité, ça demande que chacun puisse compter les uns sur les autres. Être citoyen, c’est ne pas de se reposer sur les autres en responsabilité. Face au harcèlement, on est tous responsables ».