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Ciné-débat : « De là où on vient, ça n’a pas d’importance »

Publié le 31 mars 2023
Temps de lecture : 4 min
Photo tirée du documentaire "De là où on vient, ça n'a pas d'importance"
© Elizabeth Germa
Photo tirée du documentaire "De là où on vient, ça n'a pas d'importance"

Le 23 mars, le documentaire « De là où on vient, ça n’a pas d’importance », réalisé par Elizabeth Germa a été présenté pour la première fois au Département. Pendant plusieurs mois, la réalisatrice a filmé au collège Michelet des élèves de Bellefontaine qui ont rejoint le programme départemental en faveur de la mixité sociale dans les collèges. Une table ronde suivait la projection.

« De là où on vient, ça n’a pas d’importance » est un documentaire tourné avec les élèves, les parents d’élèves et l’équipe pédagogique du collège toulousain Michelet, établissement d’accueil du dispositif mixité sociale depuis 2019. Un certain nombre d’entre eux assistent d’ailleurs à la projection, comme Rose et Emma, qui se cachent sous leur siège quand leur visage apparaît sur le grand écran de la salle de l’Assemblée. Car c’est l’une des belles réussites de la réalisatrice, mettre à l’aise des pré-adolescents pour qu’ils se confient face caméra sur un sujet qui les touche de près.

« Ce n’est pas très différent (des adultes), souligne Elizabeth Germa, il faut prendre le temps de les rencontrer, savoir les écouter, se caler sur leurs disponibilités. Les enseignants et le collège Michelet ont facilité ces temps d’échange. À Bellefontaine, des personnes relais, associations de soutien scolaire par exemple, m’ont aidé à me rapprocher des enfants et des mamans. »

Depuis 2017, le Département de la Haute-Garonne met en œuvre un dispositif particulièrement ambitieux visant à favoriser la mixité sociale dans les 121 collèges publics et privés haut-garonnais. Il s’agit d’un programme d’une ampleur unique en France, de par son budget (58 M€), le nombre d’élèves concernés et celui des partenaires institutionnels et associatifs. La première étape du plan mixité sociale a concerné les 5 collèges classés Réseau d’éducation prioritaire renforcée (REP+) de Toulouse, où le phénomène de ségrégation urbaine engendrait une ségrégation scolaire importante. Le Conseil départemental a pris la décision, en concertation avec l’Éducation nationale, la communauté éducative et les parents d’élèves des quartiers concernés, de fermer progressivement les deux collèges toulousains Raymond Badiou et Bellefontaine, pour lesquels les mesures de sectorisation classiques n’auraient pas été suffisantes, et de réaffecter les élèves de ces secteurs dans des établissements plus favorisés de l’agglomération toulousaine. Depuis 2017, 1 400 élèves des secteurs de la Reynerie et Bellefontaine ont ainsi été scolarisés dans l'un des collèges d'accueil.

Table ronde sur la mixité sociale

La projection s’est poursuivie par une table ronde avec la réalisatrice, Elizabeth Germa, Etienne Butzbach, coordinateur du Réseau Mixités à l’école du Centre national d’études des systèmes scolaires, Arnaud Leclerc, directeur académique des services de l’Éducation nationale de la Haute-Garonne et Isabelle Bertolino, doctorante en Sciences de l’éducation et de la formation, chargée de l’évaluation sociologique du programme mixité haut-garonnais en présence de Vincent Gibert, vice-président en charge de l’Éducation, de la Vie associative et des Valeurs de la République. Le président Sébastien Vincini, qui avait ouvert la soirée, est également intervenu lors les questions-réponses.

Isabelle Bertolino, dont les travaux universitaires portent sur le dispositif mais ne sont pas encore publiés, constate déjà que « le succès du dispositif dépend de l’investissement de l'ensemble des partenaires et des mesures d'accompagnement, qui sont indispensables. Du point de vue de la sociabilisation (la façon dont les élèves interagissent entre eux), les conclusions sont très favorables ».

Étienne Buzbach, pour sa part, estime que l’opération haut-garonnaise, si elle n’est pas isolée, n’en est pas moins exemplaire : « L’expérience toulousaine va faire des émules sur les questions de légitimité sociale. » D’autant qu’en France, a-t-il rappelé, le déterminisme social a plus d'impact qu’ailleurs en Europe sur le parcours scolaire.

Le représentant de l’Éducation nationale, Arnaud Leclerc, a souligné que « ce qui importe dans ce programme de mixité, c'est de faire exploser le plafond de verre et de donner aux élèves une vraie motivation, leur dire, voilà en fait, toutes les portes vous sont ouvertes ».

Vincent Gibert a ajouté : « Il nous faut corriger un certain nombre d'inégalités, certaines sont de notre responsabilité, d'autres non. On a constaté à quel point la ségrégation territoriale jouait un rôle majeur dans la ségrégation solaire, et donc le rôle qui est le nôtre, finalement, au Conseil départemental, ça a été d'impulser ce projet et d'agréger autour de ce projet l'ensemble des acteurs ».

Table ronde mixité sociale avec Isabelle Bertolino, Elizabeth Germa, Vincent Gibert et Arnaud Leclerc.
© Aurélien Ferreira
Table ronde mixité sociale avec Isabelle Bertolino, Elizabeth Germa, Vincent Gibert et Arnaud Leclerc.

Comme l’a fait remarquer la réalisatrice dans le film, si l’on évoque les enfants de Bellefontaine comme « élèves de la mixité », ce projet de mixité sociale doit aller dans les deux sens.

Le président Sébastien Vincini a conclu : « Plus on offre un environnement social diversifié à des enfants, plus on contribue à leur agilité sociale. Mais c’est vrai pour tous, cette agilité sociale, elle est riche pour l'ensemble des collégiens, qu’ils soient de Bellefontaine ou de Saint-Aubin ».