PORTRAIT

Michel Wieviorka, « Je n’ai pas peur de m’engager »

Publié le 18 novembre 2018
Temps de lecture : 4 min
Michel Wieviorka
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Michel Wieviorka, « Je n’ai pas peur de m’engager ».

Il y a à peine quelques semaines il signait une chronique dans les colonnes de Libération, intitulée : « Pour ré enchanter la politique, il faut renouer avec les idées ». Une formule qui résume bien le personnage. Portrait de l’homme et du sociologue, avant de le rencontrer le lundi 10 décembre au Conseil départemental, lors de la grande soirée-débat des Rencontres de la laïcité.

Docteur d'Etat ès Lettres et Sciences Humaines, directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Michel Wieviorka explique son engagement par l’idée que « la connaissance élève la capacité d’action. » Il dit avoir le « sentiment profond que les analyses doivent être développées pour mieux comprendre le monde ». Un sentiment qui résonne comme un leitmotiv de vie : « mon engagement vient peut-être de l’envie de jouer ne serait-ce qu’un petit rôle quelque part dans l’évolution de ce monde ». 

« Je m’intéresse aux questions du mal plutôt que du bien »

Parisien de naissance et aîné d’une famille de quatre enfants, il est issu d’une famille juive d’origine polonaise. Un parcours particulièrement marqué par l’histoire puisque ses grands-parents paternels, furent arrêtés pendant la guerre et déportés à Auschwitz d’où ils ne sortiront pas vivants. « Je suis né dans une famille modeste où l’éducation était absolument primordiale». L’adolescence heureuse en banlieue parisienne laisse place à des études commerciales « mon père rêvait que je fasse une grande école scientifique, mais je n’étais pas très travailleur, je suis rentrée à l’ESCP », rapporte-t-il. Puis arrive mai 68: « je me sens très concerné sans trop savoir pourquoi », plaisante-t-il. « Je n’étais pas en révolte contre mes parents, ni particulièrement politisé ou opprimé, mais enthousiaste. C’était générationnel, c’était familial, c’était merveilleux : les gens se parlaient, il y avait de l’amitié, de la convivialité, une certaine confiance dans l’avenir, on était très loin du monde actuel ». Cette période laisse place à quelques années à l’université, où il se rapproche petit à petit du monde de la sociologie : « j’ai eu la chance de rencontrer deux immenses sociologues Manuel Castells et Alain Touraine, qui m’a embarqué dans son programme de recherche ». À partir de là l’itinéraire est tout tracé. « J’ai été un pionnier en France à faire du terrain pour étudier le terrorisme.» Ses recherches portent sur les notions de conflits, de violence, de racisme, d'antisémitisme et sur les mouvements sociaux : « Je me suis beaucoup intéressé aux questions du mal plutôt que du bien et suis devenu un chercheur reconnu pour mes travaux dans ce registre ». 

« Nous sommes en train de passer d’un monde à un autre »

Il reconnait avoir la chance d’avoir « une vie internationale très riche » avec notamment le titre de président de l’Association internationale de sociologie de 2006 à 2010, qui n’avait eu qu’un homologue français avant lui, dans les années 50. Il siège actuellement au Conseil scientifique du Conseil européen de la recherche (ERC) et n’est pas en reste dans l’Hexagone puisqu’il a dirigé durant seize ans le Centre d’analyse et d’intervention sociologiques (CADIS) fondé par son mentor, Alain Touraine. Il est depuis juillet 2009 président de la Fondation Maison des sciences de l’Homme. Ce grand sociologue publie régulièrement ses analyses dans les medias :

« Je n’ai pas peur de m’engager, mais je sais faire la part des choses entre l’analyse sociologique et le choix politique. J’essaie en parallèle de rester un chercheur et d’analyser les problèmes qui me semblent importants, précise-t-il, dont celui du populisme. »

Un thème qu’il abordera lors de sa venue à Toulouse. En prélude, il évoque les évènements rencontrés par nos sociétés actuelles, qui dit-il sont « le signe d’une mutation, car nous sommes en train de passer d’un monde à un autre et ce passage a comme conséquence la décomposition du système politique et la montée du populisme». Si, à son sens, la laïcité n’en est pas menacée, elle en est bien « affectée ». Rendez-vous lors des Rencontres de la laïcité pour approfondir le sujet avec ce grand passionné des maux du siècle.

Michel Wieviorka était présent le lundi 10 décembre 2018 à l'hôtel du Département pour animer une soirée-débat sur le thème « La montée des populismes : une menace pour la démocratie, la République et la laïcité. »