PORTRAIT

« Pour une route plus verte » : entretien avec Nathalie Gourdoux

Publié le 26 juin 2025
Temps de lecture : 4 min
© Aurélien Ferreira/CD31

Utilisation de liants végétaux, baisse de la température des enrobés, nouveau béton bas carbone, injection de lait de chaux… Le Conseil départemental multiplie les tests et les innovations pour adapter les routes au changement climatique. Explications avec Nathalie Gourdoux, directrice adjointe techniques et prospectives à la Direction des routes.

Quel est votre métier ?

Je suis ingénieure de formation. Au sein de la Direction des routes, j’ai pour mission d’accompagner sur le volet bifurcation les services qui interviennent en support technique aux différents secteurs routiers du département. Il s’agit du service ouvrage d’arts, du service études, du service exploitation, du service « techniques et environnement » de la route, qui travaille sur le volet innovation, du parc technique, du laboratoire des routes, d’un service hygiène et sécurité et enfin du service qui intervient sur la gestion du patrimoine routier et le précontentieux. En matière de maintenance et d’entretien des routes départementales, notre territoire est découpé en huit secteurs : Villemur-sur-Tarn, Muret, Villefranche-de-Lauragais, Auterive, Cazères, Boulogne-sur-Gesse, Saint-Gaudens et Bagnères-de-Luchon. La direction des routes a la charge de 6200 kilomètres de réseau routier départemental, de 1800 ouvrages d’art et de près de 70 000 arbres d’alignement. C’est un patrimoine très conséquent. 

Comment votre direction a-t-elle pris le tournant de la bifurcation écologique ? 

Nous avons engagé l'adaptation de nos méthodes de travail, de surveillance et d’entretien. Nous sommes constamment en veille et nous partageons collectivement les dernières évolutions règlementaires et innovations. Nous sommes en dialogue permanent avec les autres conseils départementaux ainsi qu’avec les prestataires privés pour tester puis massifier de nouvelles techniques. En 2023, plusieurs chantiers expérimentaux de réfection des chaussées ont d’abord été réalisés avec des liants végétaux, à Auterive et à Superbagnères. Puis en 2024, la démarche a été généralisée en recourant de façon systématique à ces nouveaux liants biosourcés issus de la sylviculture pour remplacer les matériaux composés d’hydrocarbures lors de la réfection des routes. Dans l’attribution de ses marchés publics, le Conseil départemental a décidé d’introduire un critère environnemental de 30 % pour prendre en compte la consommation d’énergie, les émissions de gaz à effet de serre, la consommation de matériaux, le recyclage.

Outre les matériaux, les techniques évoluent aussi…

En effet, nous utilisons désormais des enrobés tièdes, constitués d’un mélange de graviers, de sable et de liant pour constituer le revêtement des chaussées. Nous réutilisons également les matériaux déjà en place. Les premiers retours sont très encourageants. Au nord du Département, nous avons pu réduire de 50 % nos émissions de gaz à effet de serre, de 40 % l’énergie consommée et l’utilisation des matériaux a également été divisée par deux.  Au niveau national, notre expertise et notre capacité d’innovation sont largement reconnues, c’est une grande force.  

Pour poursuivre les innovations, vous vous êtes également rapprochés de l’INSA Toulouse ?

Nous avons des échanges réguliers avec le laboratoire en génie civil de l’INSA. Nous travaillons ensemble sur l’utilisation d’un béton bas carbone. Nous sommes en train de chercher des terrains d’expérimentation pour pouvoir tester ce nouveau béton, pour, demain, baisser encore davantage l’empreinte carbone de nos chantiers. 

En parallèle de l’atténuation, vous travaillez aussi sur la résilience… Qu’est-ce que cela signifie en matière de routes ?

Même si nous réduisions de manière drastique nos émissions de gaz à effet de serre, le changement climatique est déjà engagé, avec la multiplication de phénomènes extrêmes tels que des inondations, des incendies, des glissements de terrain, coulées de boues, retrait et gonflement des argiles. Ce sont autant de phénomènes qui viennent accélérer le vieillissement de nos routes et de nos ouvrages d’arts. Cela va donc nécessiter de surveiller davantage nos infrastructures et impacter nos manières d’intervenir. En matière de gonflement de retrait des argiles, nous testons notamment de nouvelles techniques comme l’injection de lait de chaux par exemple. Nous faisons également évoluer les méthodes de fauchage avec le double impératif de prévenir le risque d’incendies mais aussi de préserver la biodiversité. 

Focus sur... le lait de chaux

Avec le changement climatique, la multiplication et l’intensification des épisodes de sécheresse et de pluies intenses, le phénomène de retrait et de gonflement des argiles des sols s’amplifie. Il s’agit de variations de volume dans le sol qui créent des mouvements de terrain et peuvent créer des fissures et des tassements. Comme c’est de plus en plus le cas pour les bâtiments, les routes départementales sont également impactées. Au sein de la Direction des routes, le secteur routier de Saint-Gaudens et le Laboratoire des routes, en lien avec le Cerema, ont créé un outil de forage pour injecter du lait de chaux sur les zones impactées par ce phénomène. Ce prototype, mis en service au second semestre 2025, permettra de rénover les zones de revêtements impactées sans avoir à refaire l’ensemble des chaussées. Cette innovation du Conseil départemental limitera les émissions de gaz à effet de serre liées aux travaux de rénovation chaussée, et d’autre part, les coûts de rénovation. Si aujourd’hui seules 5 % des routes départementales sont concernées, en 2050, 100 % du réseau départemental devrait être touché par le retrait gonflement des argiles.