DOSSIER

Le droit de bien manger

Publié le 3 février 2024
Temps de lecture : 8 min
© Aurélien Ferreira/CD31

En 2023, la demande de soutien alimentaire a augmenté de 20% en Haute-Garonne, avec l’apparition de nouveaux profils de bénéficiaires et des difficultés d’approvisionnement. Pour répondre concrètement à cette situation, le Département confirme son engagement aux côtés des associations concernées (Banque alimentaire, Secours populaire, Restos du Cœur, Restos bébés, etc.), tout en plaidant en faveur d’un autre modèle avec la création d’une sécurité sociale alimentaire pour tous et toutes. Explications.

Avec l’inflation galopante sur les prix de l’alimentation, une part grandissante des Français éprouve de plus en plus de difficultés à se nourrir, alors même qu’il s’agit d’un droit fondamental, relevant tout autant d’une logique de justice sociale que de qualité alimentaire. Avec 14,6 % de pauvres (source : Insee), et jusqu’à 16 % (source : Agence d’urbanisme et d’aménagement Toulouse aire métropolitaine - AUAT) à Toulouse, notre département n’est pas épargné. Et pour les jeunes le constat est encore plus alarmant : 1/4 des moins de 30 ans vit sous le seuil de pauvreté en Haute-Garonne. Selon le Secours populaire, en septembre 2023, c’est même 1 personne sur 3 qui n’était toujours pas en capacité de se procurer une alimentation saine en quantité suffisante pour se nourrir 3 fois par jour.

Soutien aux épiceries sociales et solidaires

Le Département se mobilise donc en apportant tout d’abord chaque année son soutien à l’action de terrain des associations intervenant dans l’aide alimentaire (Secours populaire, Banque alimentaire, Restos du cœur, Restos bébés, etc.).

Près de 240 000 euros leur ont été attribués en 2023, en hausse de plus de 30 000 euros par rapport à l’année précédente. En outre, le Conseil départemental soutiendra à hauteur d’1 million d’euros le projet de développement et de relocalisation de la Banque alimentaire. À cela, il convient d’ajouter le soutien de la collectivité à la création d’épiceries sociales et solidaires qui proposent aux plus précaires des denrées à prix modique, à l’instar de La Casa à Saint-Gaudens ou La Main Tendue 31 au nord de Toulouse. Mais il n’est pas acceptable de s’enfermer dans un système qui s’institutionnalise.

Engagement pour une alimentation locale et saine

Preuve supplémentaire de l’engagement du Département en faveur d’une meilleure alimentation pour tous, outre la gratuité totale ou partielle de la cantine scolaire dont bénéficient 22 000 collégiens, la collectivité a décidé que d’ici 5 ans tous les collèges publics proposeront des repas 100 % faits maison, locaux, bio. Enfin, le Conseil départemental planche actuellement sur un plan alimentaire pour promouvoir la solidarité sociale et territoriale, encourager des pratiques agricoles durables, favoriser une alimentation locale et saine et rapprocher producteurs et consommateurs. 

Démocratie alimentaire

Et si la solution était ailleurs et dans une inversion des modèles connus, en passant de l’aide alimentaire à une véritable démocratie alimentaire ? Dans La France a faim, le don à l’épreuve des violences alimentaires (éditions Le Seuil, 2023), fruit d’une enquête de 5 ans, l’anthropologue Bénédicte Bonzi plaide en faveur de la mise en place d’une sécurité sociale alimentaire, un système universel, pour que tout le monde ait accès à une alimentation de qualité quelles que soient ses ressources, et ce, en sortant de la pure logique de marché et de surproduction. Aujourd’hui, des initiatives allant dans ce sens émergent, à l’instar de Caissalim, un projet initié par l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) et 10 associations, qui fait participer des ménages et des étudiants volontaires désireux de devenir acteurs de leur alimentation. À ce jour, Caissalim fédère 4 comités citoyens sur 4 territoires : Izards-La Vache-Borderouge, Montaudran-Saint-Exupéry-Pont des demoiselles, Pradettes et Calim’Potes à Ramonville-Castanet.

« Notre objectif est de lancer une caisse citoyenne, abondée par les membres en fonction de leur situation économique, qui se verront attribuer ensuite à part égale un budget alimentation à utiliser sur un panel de produits ou professionnels choisis par le collectif » explique Sarah Cohen, co-coordinatrice du projet et ingénieure de recherche à l’Inrae. Le Conseil départemental a décidé de participer et soutenir ce projet.


© Hélène Ressayres/CD31
Le droit à une bonne alimentation deviendra universel, comme le droit à la santé ou à l’éducation !

Alexandre Gondran, enseignant-chercheur à l'ENAC, membre du collectif Caissalim de Montaudran-Saint-Exupéry-Pont des Demoiselles

Alexandre Gondran, enseignant-chercheur à l'ENAC, membre du collectif Caissalim de Montaudran-Saint-Exupéry-Pont des Demoiselles :

« 70 % des dépenses santé sont liées à une mauvaise alimentation. En tant qu’adhérent d’une Association pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP), je vois la précarité des producteurs et leurs tarifs qui ne peuvent pas s’aligner sur ceux de la grande distribution, donc être accessibles à tous. En expérimentant l’idée d’une sécurité sociale alimentaire, le collectif Caissalim dont je fais partie a plusieurs objectifs : conventionner les producteurs locaux et bio pour qu’ils soient sûrs de vendre à prix correct une bonne partie de leur production et assurer l’accès à une alimentation de qualité, du moins en partie, à toute la population. Concrètement, chacun cotisera selon ses moyens, et recevra en échange une sorte de ticket d’alimentation, ou de carte vitale alimentaire, qui lui permettra de s’approvisionner chez les partenaires conventionnés (agriculteurs, marchés, restaurateurs, etc). »


© Hélène Ressayres/CD31